[Prix inter 2021] Eric Reinhardt – Comédies françaises (Pascale)

Eric Reinhardt, Comédies françaises, 2020, 477 p.

Résumé :
Dimitri est un jeune homme de 27 ans, il fait du lobbying après de brillantes études, puis devient journaliste à l’AFP. Passionné par le théâtre, mais aussi par les surréalistes, il enquête sur les débuts d’Internet. Il découvre qu’en France, dans les années 70, un ingénieur, Louis Pouzin, travaille sur les systèmes de transmission de données dans le cadre d’un programme de recherches qui sera finalement abandonné par l’Etat. Si ces recherches avaient été poursuivies, il aurait pu être à l’origine de la naissance de ce qu’on appellera plus tard Internet. La France fera le choix du Minitel….

Dimitri rencontre (ou croit reconnaître) à plusieurs reprises la même jeune femme, à Madrid, à Paris, cela l’obsèdera dans sa vie sentimentale.

Mon avis :
Ce roman est une enquête très fouillée sur les programmes de recherche dans le domaine des télécommunications en France dans les années 70, et il montre comment un industriel puissant, Ambroise Roux, a réussi à influencer les hommes politiques et à leur dicter de mauvais choix. Parallèlement nous suivons les péripéties amoureuses de ce jeune homme. Ce qui donne un roman très dense, très foisonnant, très riche, très copieux. Le récit s’égare parfois : quel intérêt de parler de la vie de Max Ernst ?
L’écriture est brillante, un poil sophistiquée, avec des dialogues un peu crus, c’est un curieux mélange, avec des passages interminables quelquefois. J’admire le travail que ce roman représente, mais ce n’est pas le roman que j’ai préféré.

[Prix inter 2021] Marie N’Diaye – La vengeance m’appartient (Michèle)

Marie N’Diaye, La vengeance m’appartient, 2021, 230 p.

Résumé :
Maître Suzanne, une avocate sans grande réputation de Bordeaux, reçoit Gilles Principaux qui souhaite qu’elle défende sa femme, Marilyne, celle-ci ayant tué ses trois enfants. L’avocate a le souffle coupé car elle croit reconnaitre dans cet homme l’adolescent avec qui elle n’avait passé qu’une seule journée mais dont elle a un souvenir éblouissant.

De plus, Me Suzanne emploie Sharon, une étrange jeune femme sans papier qu’elle essaie de régulariser.

Mon avis :
J’ai été très attirée par le quatrième de couverture qui annonçait un roman qui semblait un peu policier ou une histoire d’avocat.

Hélas, que je me suis ennuyée à lire ce roman de seulement 230 pages (heureusement peut être) !!! D’abord j’ai trouvé le style de l’auteur très alambiqué, des phrases aux tournures bizarres, des mots pompeux, la façon de nommer les personnages de la famille pénible… Ensuite, côté histoire, c’est encore pire : un rabâchage sans queue ni tête, ni le mystère de sa jeunesse, ni la situation de Sharon, ni les sentiments des personnages secondaires ne sont clairs.

Bref, je n’ai rien compris et je me demande à nouveau comment sont choisis ces romans : ce n’est pas possible que ce roman ait « emballé » la majorité des critiques littéraires !!!

[Prix inter 2021] Franck Bouysse – Buveurs de vent (Dominique)

Franck Bouysse, Buveurs de vent, 2020, 392 p.

Résumé :
Dans une vallée de montagne coupée du monde, la vie s’écoule sans perspective. En haut de l’échelle sociale, Joyce, le créateur de la centrale hydraulique qui a amené le progrès mais aussi l’aliénation des habitants. La famille Volny avec quatre enfants non désirés et non éduqués va être le ferment de la fin de l’histoire.

Marc, le lecteur secret qui va découvrir la vraie vie, Matthieu qui fait corps avec la nature va choisir de la protéger en dépit de tout, Mabel, la jeune adolescente à la beauté sauvage et éprise de liberté et enfin Luc, un enfant pas comme les autres, rejeté du système scolaire.

Commentaire :
Un livre noir et un peu caricatural mais très agréable à lire car le caractère des personnages est bien fouillé et les descriptions du paysage et du village sont tout à fait réalistes.

Une histoire de l’incrustation de l’homme instruit et sûr de sa supériorité sur tous qui met la nature à genou et qui n’hésite pas à réduire en esclavage toute une population. Les enfants représentent ici tous les rêves que les adultes ont abandonnés pour ne pas faire de vague et pour rester chez eux. C’est un livre à la Giono, effectivement, mais avec l’espoir en moins pour l’homme, la nature reprenant toujours ses droits au bout du bout.

[Prix inter 2021] Tiffany Tavernier – L’ami (Pascale)

Tiffany Tavernier, L’ami, 2021, 262 p.

Résumé :

L’ami de Thierry c’est Guy, ce voisin avec qui il prend l’apéro, à qui il donne un coup de main pour bricoler. Thierry vit avec sa femme Élisabeth dans une maison un peu isolée. Ils sympathisent donc naturellement avec leurs seuls voisins Guy et Chantal.

Un matin, très tôt, une opération de police très impressionnante vient perturber la quiétude de Thierry et sa femme : l’arrestation de Guy et Chantal. Ils comprendront par la suite qu’ils ne connaissaient pas si bien Guy, et sa femme toujours déprimée…

Mon avis :

Roman très vif qui nous emmène dans les pensées de Thierry, dans ses réactions au choc de la découverte de la vraie nature de son ami. On descend aux enfers avec lui, on compatit à sa douleur d’avoir été proche d’un tel individu. Pas de temps morts dans le récit, malgré le peu d’action, un portrait psychologique crédible et bien mené. J’ai beaucoup aimé.

[Prix inter 2021] Hugo Lindenberg – Un jour ce sera vide (Michèle)

Hugo Lindenberg, Un jour ce sera vide, 2020, 176 p.

Résumé :
Un enfant, en vacances en Normandie, au bord de la mer avec sa grand-mère et sa tante, une immense solitude à trois, et tout d’un coup, une rencontre avec un garçon de son âge : un miracle qui se nomme Baptiste.

L’enfant est le narrateur, il semble assez perturbé et nous comprenons qu’il ne se sent jamais à sa place, ni dans sa famille, ni à l’école, ni avec d’autres enfants, à part avec Baptiste et la mère de celui-ci.

Mon avis :
Ce roman est particulier, je pense que certains l’apprécieront et d’autres n’entreront pas dedans. L’enfant mélange le réel et l’imaginaire, le rêve et la réalité, il voit des choses que les autres ne voient pas. Ses idées sont souvent très noires (nous supposons que sa mère est morte) et délirantes, à la limite de l’autisme peut être.

L’écriture d’Hugo Lindenberg est précise, parfois très enfantine, parfois très (trop ?) « adulte ». J’ai beaucoup aimé la façon qu’a l’auteur de regarder l’entourage avec des yeux d’enfant, même si cet enfant déforme énormément la réalité. Ainsi défile la grand-mère mutique mais aimante, la tante folle et les piliers de bar qu’elles fréquentent parfois, et la plage, les méduses et Baptiste.

Un énorme sentiment de honte par rapport à sa famille perturbe l’enfant trop sensible. Le trait est parfois un peu forcé mais chacun peut y retrouver ce sentiment profond, même s’il a pu être très fugitif dans une vie plus heureuse.

La fin est un peu particulière….

[Prix inter 2021] Judith Perrignon – Là où nous dansions (Pascale)

Judith Perrignon, Là où nous dansions, 2021, 343 p.

Résumé :
Detroit, 1935, Eleonor Roosevelt lance un programme de construction de logements neufs pour les Noirs qui vivent dans des taudis. Dans les années 60, ces nouveaux quartiers dont le Brewster Project sont animés et agréables à vivre. Certaines personnalités noires : Stewie Wonder, les Supremes, en sont issus . En 2013, ces quartiers sont devenus des friches, des no man’s land à détruire. Un cadavre y est découvert. Sarah, jeune policière, va enquêter pour retrouver l’identité de ce jeune homme. L’enquête est le fil conducteur de cette histoire, racontée à plusieurs époques par plusieurs personnages.

Mon avis :
Le sujet principal du roman est ce quartier, le Brewster Project de Detroit, quartier vu par plusieurs personnages à plusieurs époques. J’ai pensé, en lisant ce roman, à Il était une ville de Thomas B. Reverdy, qui se passe à Detroit en 2008 en pleine crise économique, roman que j’avais préféré à celui-ci.

Le roman de Judith Perrignon est presque davantage documentaire que fiction. Sans doute parce qu’elle est journaliste et écrivain.

Là où Reverdy réussissait un roman de l’oubli et de l’abandon, grâce à un angle de vue très particulier : l’ingénieur français parachuté dans cette ville fantôme, Judith Perignon peine à nous émouvoir dans ce docu fiction bien mené, mais moins « littéraire ».

[Prix inter 2021] La sélection !

La sélection du prix inter 2021 a été annoncée :

Les 10 livres sélectionnés sont :

  • Héritage de Miguel Bonnefoy (Rivages)
  • Buveurs de vent de Franck Bouysse (Albin Michel) 
  • Saturne de Sarah Chiche (Seuil) 
  • Thésée, sa vie nouvelle Camille De Toledo (Verdier)
  • Un jour ce sera vide d’Hugo Lindenberg (Christian Bourgois)
  • La vengeance m’appartient de Marie Ndiaye (Gallimard) 
  • Là où nous dansions de Judith Perrignon (Rivages) 
  • Le pont de Bezons de Jean Rolin (POL) 
  • Comédies françaises d’Eric Reinhnart (Gallimard) 
  • L’ami de Tiffany Tavernier (Sabine Wespieser) 

Trois sont déjà présentés sur le blog : Héritage, Saturne et Thésée, sa vie nouvelle

Résultats le 7 juin !

[Goncourt lycéens 2020] Sarah Chiche – Saturne (Michèle)

Sarah Chiche, Saturne, 2020, 208 p.

Résumé :
Automne 1977 : Harry, trente-quatre ans, meurt d’une leucémie, entouré de ses parents et de sa femme et laissant derrière lui sa fille de quinze mois.


Il est le fils d’un chef de clinique richissime mais il ne s’est jamais trouvé à l’aise dans sa famille et va aimer passionnément Eve, une éblouissante jeune femme, plutôt mythomane, venue d’un milieu très modeste. Leur fille découvre la vie de ses parents et commence à comprendre ses angoisses existentielles.

Mon avis :
Encore un roman de dépressifs, avec une ambiance lourde, des personnages trop caricaturaux pour être crédibles, des drames, des disputes, des regrets…

L’auteure étant psychanalyste, elle sait très bien faire ressentir ces états dépressifs ou mégalomanes, la passion dévorante des parents et le poids des non-dit familiaux qui pèsent sur les générations suivantes.

Je ne suis pas rentrée dans cette histoire, peut-être trop « psy » pour moi, C’est pourquoi ce roman ne m’a vraiment pas bouleversé malgré une belle écriture et une fin la plus heureuse possible.

[Goncourt lycéens 2020] Camille de Toledo – Thésée, sa vie nouvelle (Dominique)

Camille de Toledo, Thésée, sa vie nouvelle, 2020, 250 p.

Résumé :
Au début des années 2000, le jeune Thésée est ébranlé par la mort de son frère ainé. Il va perdre, les années suivantes, sa mère d’une rupture d’anévrisme et son père, des suites d’une longue maladie.

Il va décider de recommencer sa vie dans une ville d’Allemagne et passer de l’ouest à l’est avec sa femme et ses deux enfants. Il ne gardera de sa vie d’avant que 3 cartons d’archives de son frère, de sa mère et de son père.

Dix ans plus tard, une étrange maladie le paralyse petit à petit et Thésée va ouvrir les cartons.

Commentaire :
Tout d’abord, j’ai été surprise de l’insertion de photos dans ce livre qui est une ode au souvenir et particulièrement à la transmission de génération en génération.

Le récit est, de plus, entrecoupé de pensées récurrentes et de résumés poétiques des remontées de souvenirs ; ce qui en ralentit la lecture et procure au lecteur le sentiment d’enlisement et d’élargissement du temps.

Ce roman qui cherche à analyser les causes d’un suicide dans une famille de juif immigré nous permet de prendre conscience de l’importance de la transmission générationnelle et surtout de l’absurdité de vouloir taire les traumatismes que les changements de culture occasionnent. Il met aussi en relief la dureté des systèmes capitalistes du XXe siècle qui promettaient beaucoup mais qui prenaient surtout beaucoup à la jeunesse qui était réellement attirée par la modernité.

C’est le récit d’une immigration de la Turquie vers la France au début du XXe siècle, des deux guerres atroces entre pays européens et de la faillite du système financier qui a mis un terme aux « trente glorieuses » et aux rêves de modernité. 

[Goncourt lycéens 2020] Michel Bonnefoy – Héritage (Pascale)

Michel Bonnefoy, Héritage, 2020, 207 p.

Résumé :
Le roman raconte la vie des Lonsonier, sur 4 générations. Expatrié au Chili, Lonsonier a quitté la France avec, pour tout bagage un cep de vigne sauvé du phylloxera. Son fils Lazare s’engagera aux côtés des Français en 1914, puis reviendra au Chili poursuivre sa vie.

Mon avis :
Le roman est très court, pourtant, l’auteur réussit une brillante narration, avec l’histoire du Chili en toile de fond. Parce qu’il est court, il manque de scènes du quotidien, je trouve. Les récits les plus détaillés sont ceux de scènes de torture. Les personnages sont juste esquissés, et le récit de leur vie file trop vite, on ne voit pas du tout ce qui amène les personnages à être ce qu’ils sont. Il aurait fallu 500 pages de plus pour avoir plus de détails.