[Goncourt lycéens 2020] Camille Pascal – La chambre des dupes (Dominique)

Camille Pascal, La chambre des dupes, 2020, 671 p.


Résumé :
La cour du roi Louis XV à Versailles entre 1741 et 1743. Les trois années du règne de la favorite Marie Anne de Mailly, duchesse de Châteauroux sur le roi de France, le bien aimé.


Commentaire :
Un véritable roman de capes et d’épées, ou plutôt de secrets d’alcôves et d’intrigues à la plus belle cour d’Europe !
Dans un langage châtié, avec mille petits détails merveilleux et sur un rythme endiablé, l’auteur nous transporte à Versailles, au cœur du pouvoir royal et dresse un portrait vivant de ce monde qui fait la France.
Elle nous fait sentir que cette cour voulue par Louis XIV donne au roi une « aura » surnaturelle et à sa personne l’importance d’un véritable dieu. La favorite qui réussit à prendre le cœur du roi est de fait sujet à toutes les attaques et tous les coups bas.
J’ai adoré ce récit qui non seulement nous décrit une période bien précise de l’histoire de France de façon fort documentée mais avec un tel entrain et une telle érudition que l’on pourrait presque sentir l’odeur des festins et humer les feux de cheminée.
C’est vraiment un très beau roman.

[Goncourt lycéens 2020] Sarah Chiche – Saturne (Michèle)

Sarah Chiche, Saturne, 2020, 208 p.

Résumé :
Automne 1977 : Harry, trente-quatre ans, meurt d’une leucémie, entouré de ses parents et de sa femme et laissant derrière lui sa fille de quinze mois.


Il est le fils d’un chef de clinique richissime mais il ne s’est jamais trouvé à l’aise dans sa famille et va aimer passionnément Eve, une éblouissante jeune femme, plutôt mythomane, venue d’un milieu très modeste. Leur fille découvre la vie de ses parents et commence à comprendre ses angoisses existentielles.

Mon avis :
Encore un roman de dépressifs, avec une ambiance lourde, des personnages trop caricaturaux pour être crédibles, des drames, des disputes, des regrets…

L’auteure étant psychanalyste, elle sait très bien faire ressentir ces états dépressifs ou mégalomanes, la passion dévorante des parents et le poids des non-dit familiaux qui pèsent sur les générations suivantes.

Je ne suis pas rentrée dans cette histoire, peut-être trop « psy » pour moi, C’est pourquoi ce roman ne m’a vraiment pas bouleversé malgré une belle écriture et une fin la plus heureuse possible.

[Goncourt lycéens 2020] Jean-Pierre Martin – Mes fous (Pascale)

Jean-Pierre Martin, Mes fous, 2020, 160 p.

Résumé :
Sandor est un homme très empathique. Il attire les gens, irrésistiblement. Il nomme affectueusement « mes fous » tous ces gens qu’il croise et qui se confient à lui.

Dans sa propre famille, sa fille Constance souffre d’une forme sévère de schizophrénie. Son fils aîné, Alexandre, est on ne peut plus « normal » toujours positif en toute chose, il mène une vie sans problèmes. Son fils Ambroise est engagé dans la protection de l’environnement, soucieux de son empreinte carbone, altermondialiste.

Mon avis :
Ce roman est presque écrit comme une autofiction. Pas beaucoup d’actions, un récit par bribes du quotidien des gens. C’est un roman très attachant, l’auteur a beaucoup d’affection pour « ses fous » et beaucoup d’humour pour raconter leurs histoires. Derrière cet humour grinçant, on perçoit le tragique des situations. En particulier les passages sur Constance sont très émouvants.

J’ai beaucoup aimé ce roman, en raison de ce ton très « mélange des genres », tragique et drôle à la fois.

[Goncourt lycéens 2020] Maël Renouard – L’historiographe du royaume (Michèle)

Maël Renouard, L’historiographe du royaume, 2020, 336 p.

Résumé :
Abderrahmane Eljarib a été choisi parmi les humbles, pour faire partie de la classe du « prince », le fils du sultan Sidi Mohammed du Maroc (qui deviendra le roi Mohammed V), au collège royal de Rabat à la fin des années 40. Il poursuit ses études à Paris, aux frais du royaume puis rejoint son pays et devient conseiller technique au cabinet du ministre de l’éducation nationale. En 1961, le roi meurt et le prince devient le roi Hassan II.

Abderrahmane passe de grâce en disgrâce au service de son roi et devient son « historiographe ».  

Mon avis :
Ce roman, écrit d’une écriture soutenue (beaucoup de passé simple), mêle histoire du Maroc et destin personnel d’un « petit fonctionnaire » sans ambition (contrairement à beaucoup d’autres, dans l’entourage du roi) qui tremble souvent et fait des gaffes devant le roi. Grâce ou disgrâce ?? Il se pose à chaque fois la question dès lors qu’il rencontre le souverain à qui il doit donner son avis.

On ressent l’asservissement total dû au monarque par son entourage, on vit les divers coups d’Etat, et on suit Abderrahmane, plus poète et amoureux de la littérature que politicien, dans sa drôle de vie. L’épilogue lève un peu le voile sur la fin de son histoire.

J’appréhendais le côté historique d’un pays que je ne connais pas mais l’auteur parvient très bien à raconter, comme dans un conte des mille et une nuits (il est beaucoup question de ce livre dans le récit), l’histoire avec un grand H sans nous lasser et même plutôt en clarifiant les évènements politiques survenus à cette époque (environ trente ans de la fin du protectorat français au début de l’indépendance).

J’ai aimé l’écriture et le récit et, à ce jour, ce roman est mon préféré.

[Goncourt lycéens 2020] Mohammed Aïssaoui – Les funambules (Pascale)

Mohammed Aïssaoui, Les funambules, 2020, 224 p.

Résumé : 
Kateb est écrivain, il va à la rencontre des personnes qui vivent dans la rue pour leur proposer d’écrire leur histoire. Il utilise les réseaux d’aide que sont les associations Les Restos du cœur, ATD Quart monde, etc. et s’intéresse aussi aux bénévoles, aux aidants. Il est à la recherche d’une jeune fille, son premier amour, qui était impliquée dans une association de son quartier, et dont il n’a plus de nouvelles.

Mon avis :
Dans ce roman, les chapitres courts s’enchaînent. Des bribes de vies malheureuses apparaissent, puis laissent place à d’autres histoires, juste esquissées aussi. Comme si on pouvait résumer toute une vie en quelques phrases, puis laisser derrière soi tous ces malheurs entraperçus. C’est un roman profondément humain, qui donne à voir ce qu’on cherche à oublier : la pauvreté, les gens qui (sur)vivent dans la rue. Il montre aussi l’engagement des bénévoles, leur professionnalisme dans la démarche d’aide. Il donne la parole aux funambules qui sont « en équilibre sur le fil de la vie »

[Goncourt lycéens 2020] Camille de Toledo – Thésée, sa vie nouvelle (Dominique)

Camille de Toledo, Thésée, sa vie nouvelle, 2020, 250 p.

Résumé :
Au début des années 2000, le jeune Thésée est ébranlé par la mort de son frère ainé. Il va perdre, les années suivantes, sa mère d’une rupture d’anévrisme et son père, des suites d’une longue maladie.

Il va décider de recommencer sa vie dans une ville d’Allemagne et passer de l’ouest à l’est avec sa femme et ses deux enfants. Il ne gardera de sa vie d’avant que 3 cartons d’archives de son frère, de sa mère et de son père.

Dix ans plus tard, une étrange maladie le paralyse petit à petit et Thésée va ouvrir les cartons.

Commentaire :
Tout d’abord, j’ai été surprise de l’insertion de photos dans ce livre qui est une ode au souvenir et particulièrement à la transmission de génération en génération.

Le récit est, de plus, entrecoupé de pensées récurrentes et de résumés poétiques des remontées de souvenirs ; ce qui en ralentit la lecture et procure au lecteur le sentiment d’enlisement et d’élargissement du temps.

Ce roman qui cherche à analyser les causes d’un suicide dans une famille de juif immigré nous permet de prendre conscience de l’importance de la transmission générationnelle et surtout de l’absurdité de vouloir taire les traumatismes que les changements de culture occasionnent. Il met aussi en relief la dureté des systèmes capitalistes du XXe siècle qui promettaient beaucoup mais qui prenaient surtout beaucoup à la jeunesse qui était réellement attirée par la modernité.

C’est le récit d’une immigration de la Turquie vers la France au début du XXe siècle, des deux guerres atroces entre pays européens et de la faillite du système financier qui a mis un terme aux « trente glorieuses » et aux rêves de modernité. 

[Goncourt lycéens 2020] Djaïli Amadou Amal – Les impatientes (Michèle)

Djaïli Amadou Amal, Les impatientes, 2020, 240 p.

Résumé :
Au Sahel, de nos jours, nous suivons le destin de deux jeunes filles, Ramla, dix-sept ans et sa sœur Hindou, quatorze ans ainsi que celui de Safira, la trentaine. Ramla et Hindou sont mariées, contre leur gré, la première avec un homme très riche, la deuxième avec son cousin violent et alcoolique.

Safira est la première femme de l’homme riche et voit Ramla arriver dans son quotidien. Toute une génération de femmes, qui a connu les mêmes moments, prodigue des conseils à ces trois jeunes femmes et notamment le plus important : patience (munyal !).

Mon avis :
Un roman court, des phrases courtes et de nombreux dialogues rendent la lecture facile. Ce roman se lit d’une traite.

Djaïli Amadou Amal ose parler d’un tabou dans son peuple musulman, les mariages arrangés, forcés, de filles très jeunes, et aussi la vie des co-épouses qui, au lieu de s’entraider, sont des rivales parfois terribles.

J’ai découvert ces vies de soumission intégrale durant lesquelles les femmes, et leurs enfants, sont toujours les victimes, génération après génération. Elles n’ont que la patience à opposer à la violence, à l’injustice, à la mainmise des pères, des oncles, des maris.

Après avoir découvert la vie des femmes Afghanes avec le roman « la perle et la coquille », je me sens encore « innocente » devant le sort des femmes Peul du Cameroun. Il faut vraiment se rendre compte de notre liberté et la défendre à tout prix.

Le roman est bouleversant du point de vue de son thème, c’est un vrai pamphlet contre l’archaïsme de ces peuples.

[Goncourt lycéens 2020] Michel Bonnefoy – Héritage (Pascale)

Michel Bonnefoy, Héritage, 2020, 207 p.

Résumé :
Le roman raconte la vie des Lonsonier, sur 4 générations. Expatrié au Chili, Lonsonier a quitté la France avec, pour tout bagage un cep de vigne sauvé du phylloxera. Son fils Lazare s’engagera aux côtés des Français en 1914, puis reviendra au Chili poursuivre sa vie.

Mon avis :
Le roman est très court, pourtant, l’auteur réussit une brillante narration, avec l’histoire du Chili en toile de fond. Parce qu’il est court, il manque de scènes du quotidien, je trouve. Les récits les plus détaillés sont ceux de scènes de torture. Les personnages sont juste esquissés, et le récit de leur vie file trop vite, on ne voit pas du tout ce qui amène les personnages à être ce qu’ils sont. Il aurait fallu 500 pages de plus pour avoir plus de détails.

[Goncourt lycéens 2020] Hervé Le Tellier – L’anomalie (Pascale)

Hervé Le Tellier, L’anomalie, 2020, 327 p.

Résumé :
Blake mène une double vie : une vie secrète de tueur à gages, et une vie d’entrepreneur, marié, père de 2 enfants. Victor Miesel est écrivain, auteur d’un roman « L’anomalie ». Lucie Bogaert est monteuse de film, trentenaire séduisante, elle entretient une relation avec André, un architecte cinquantenaire, plus amoureux d’elle qu’elle ne l’est de lui. David Markle est pilote de ligne, atteint d’un cancer du pancréas. Joanna est une jeune avocate noire, chargée de la défense d’une grande firme américaine. Slimboy est un chanteur nigérian… Ils sont les passagers du vol Air France 006 Paris New York, qui va affronter une tempête au dessus de l’Atlantique.

Mon avis :
Ce roman débute comme un polar : présentation des personnages, chaque chapitre se termine sur une interrogation, on reste en haleine jusqu’à ce qu’on comprenne le lien entre tous les personnages. La deuxième moitié du roman amène des réflexions plus philosophiques, plus psychologiques. Mais le rythme retombe, c’est un peu dommage. J’ai beaucoup aimé lire ce roman très bien écrit et tout à fait surprenant.

[Goncourt lycéens 2020] Tobie Nathan – La société des belles personnes (Michèle)

Tobie Nathan, La société des belles personnes, 2020, 432 p.

Résumé :
Zohar Zohar, né dans la ruelle juive du Caire, fait des affaires dans cette ville. En 1952, il échappe de peu à la mort, poursuivi par les frères musulmans et d’anciens nazis ayant rejoint la police égyptienne. Sa mère fait partie de la « société des belles personnes » qui le sauve. Il arrive à Naples puis à Paris et rencontre d’autres juifs qui essaient de vivre après le traumatisme de la Shoah.

Mon avis :
Une fresque historique comme je les aime, malgré le cadre de l’histoire qui débute en Egypte lors d’une période que je ne connaissais pas du tout : la destitution du roi Farouk. C’est l’Orient, bien avant l’Islam que nous connaissons, qui est la vedette de l’histoire. L’Orient du peuple et des pauvres, joyeux, rempli de musiques et de danses, de bons sens et de justice.

Le passage en Europe, après-guerre, fait ressortir de beaux personnages meurtris mais combattants, dont le désir de vengeance s’amenuise pourtant au fil des années, Zohar, lui, n’abandonne pas.

Le défaut que je trouve à ce roman est le mélange des périodes de la vie de Zohar, aucun ordre chronologique. Cette construction semble très à la mode car j’ai lu plusieurs romans actuels qui suivaient ce schéma. Je trouve que ça n’aide pas à la compréhension de l’histoire bien que, dans ce roman, les chapitres commencent souvent par une date.

Message pour mes sœurs : au cours de ma lecture, j’ai pensé à plusieurs reprises à Jeanne Marie S., à sa joie de vivre et sa philosophie de vie, que j’ai retrouvé dans « La société des belles personnes ».

Ce roman, pourtant assez noir, et qui commence par le récit d’un enterrement, m’a laissé une sensation de bonté, de douce folie et de joie simple.