[Sélection Goncourt] Tanguy Viel – La fille qu’on appelle (Pascale)

Tanguy Viel, La fille qu’on appelle, 2021, 175 p.

Résumé :
Max Le Corre est le chauffeur du maire de la ville, Quentin Le Bars. Il est boxeur amateur.

Lorsque sa fille de 20 ans, Laura, revient vivre avec lui, il demande au maire de l’aider à trouver un logement.

Quentin Le Bars va recevoir la jeune fille à la mairie, il lui propose de l’aider aussi à trouver du travail. Lorsqu’il passe la voir dans son nouveau logement, Laura comprend qu’il y aura une contrepartie à l’aide du maire.

Mon avis :
Ce petit roman décrit le mécanisme de domination des hommes de pouvoir. Comment s’installe cette relation que la jeune fille n’a pas souhaité, mais contre laquelle elle n’a pas lutté. Comme s’il était naturel, dans le rapport inégal de leurs classes sociales respectives, qu’elle se fasse avoir. Un roman très sombre donc, très en phase avec mouvements #metoo, d’une écriture simple et facile.

[Sélection Goncourt] Mohamed Mbougar Sarr – La plus secrète mémoire des hommes (Pascale)

Mohamed Mbougar Sarr, La plus secrète mémoire des hommes, 2021, 460 p. Prix Goncourt 2021

Résumé :
Diégane Latyr Faye est un jeune écrivain sénégalais vivant à Paris. Il découvre un roman unique Le labyrinthe de l’inhumain écrit par un de ses compatriotes, T. C. Elimane, avant la dernière guerre mondiale. Fasciné par ce roman, il va alors enquêter sur Elimane. En rencontrant l’écrivaine Siga, sénégalaise elle aussi, il apprendra à connaître les origines de cet homme, et tentera de suivre le parcours de sa vie.

Mon avis :
Le début du roman est un peu long, on suit Faye dans ses conversations avec de jeunes écrivains sénégalais, leurs discussions intellectuelles sans fin sur la littérature. Puis arrivent les confessions du vieux Ousseynou Khoumakh avant de mourir, et là on est happés par le récit, on découvre qui est Elimane et on est vraiment sur les traces de l’écrivain dans les chapitres qui suivent.

Le roman est d’une grande richesse, il y a beaucoup de réflexions sur la place de l’écrivain, ce qu’est la littérature, on sent que Faye est l’auteur lui-même, que ces questions sont les siennes.

J’ai trouvé toutes ces réflexions surabondantes et finalement rébarbatives, le style pompeux et difficile à lire, donc un livre un peu élitiste, qui semble avoir été écrit pour les membres de l’académie Goncourt, mais pas pour le lecteur lambda (que je suis).

[Sélection Goncourt] Maria Pourchet – Feu (Dominique)

Maria Pourchet, Feu, 2021, 357 p.

Résumé :
Le coup de foudre de Laure, 40 ans, professeure d’Université, mère de deux enfants dont Vera, une adolescente survoltée pour Clément, 50 ans, employé d’une boite de trading, complétement désabusé et n’aimant que la compagnie de son chien. Cet amour spontané et entier va dévorer tout sur son passage et faire peur à ces deux adultes qui n’arrivent plus à se contrôler.

Commentaire :
Une écriture très branchée, directe et des chapitres courts pour accrocher le lecteur et je m’y suis fait prendre… Les rares dialogues entre la mère et l’adolescente sont édifiants, les rapports de force entre amoureuse et amoureux sont vraiment très bien décrits et avec un humour féroce. Un livre qui vous entraine dans la course de fond de cet amour inattendu et irrationnel et qui sera lourd de conséquences.

[Sélection Goncourt] David Diop – La porte du voyage sans retour (Pascale)

 David Diop, La porte du voyage sans retour, 2021, 253 p.

Résumé :
Michel Adanson est botaniste : il voyage au Sénégal en 1750, il répertorie des espèces pour élaborer une grande encyclopédie. Il est accompagné par Ndiak, fils d’un roi de tribu locale. Lors de son passage dans le village de Sor, Baba Seck, chef du village, lui raconte l’histoire d’une jeune femme du village, vendue comme esclave, qui est revenue des Antilles et se cache dans un village au sud du Sénégal. Adanson entreprend alors de la retrouver

Mon avis :
L’aventure vécue par Adanson est découverte par sa fille, après sa mort, lorsqu’elle découvre le manuscrit laissé par son père. Le roman est d’une écriture poétique, et on se sent comme la fille d’Adanson, happée par le récit de cette aventure au Sénégal au temps de l’esclavage.

[Sélection Goncourt] François Noudelmann – Les enfants de Cadillac (Michèle)

François Noudelmann, Les enfants de Cadillac, 2021, 224 p.

Résumé :
L’auteur retrace une partie de la vie de son grand père Chaïm, Juif russe qui a fui les pogroms et s’est installé en France avant la « Grande Guerre » (première partie du roman) ainsi que la vie de son père Albert, prisonnier durant 5 ans en Allemagne durant la Seconde Guerre mondiale (deuxième partie). Le point de départ de ce retour vers ses racines a été la réhabilitation du « cimetière des fous » de l’hôpital psychiatrique de Cadillac (près de Bordeaux) où son grand père était enterré. Dans la troisième partie, l’auteur parle de sa vie, lui, l’héritier de ces deux hommes qui ont souffert le martyr.

Mon avis :
Encore une fois, le récit de François Noudelmann n’est pas ce que je nomme un roman. C’est une recherche qui pose des interrogations sur les racines, sur l’héritage conscient ou inconscient, sur l’identité et sur la « Judéité ».

J’ai trouvé la lecture très intéressante et facile malgré la gravité des questions qu’elle pose. Les interrogations de l’auteur sont nombreuses et nous interpellent, notamment sur l’antisémitisme. François Noudelmann parle « vrai », il ne prône jamais le communautarisme, raconte ses expériences en Israël, et explique pourquoi il a quitté la France.

J’ai aimé sa façon de penser l’arbre généalogique d’une personne en tenant compte de ses rencontres plutôt que sa parentèle car est-on plutôt ce que nos parents ont fait de nous ou bien ce que des personnes croisées (professeurs, collègue, conjoints, amis) nous ont apporté ? Quelle est la part de l’influence de chacun dans la construction de notre vie ?

[Sélection Goncourt] Abel Quentin – Le voyant d’Etampes (Pascale)

Abel Quentin, Le voyant d’Etampes, 2021, 380 p.

Résumé :
Jean Roscoff est un jeune retraité, il était universitaire. Il écrit un livre sur Robert Willow, poète noir américain, communiste, ayant vécu à Etampes, et mort accidentellement en France. Son livre va susciter de nombreuses réactions d’internautes, qui l’accusent d’appropriation culturelle. Il sera victime d’une sorte de lynchage médiatique, de la part des adeptes de la woke culture.

Mon avis :
Ce livre comporte des développements érudits et difficiles à suivre, pour moi. On sent que c’est l’œuvre d’un intellectuel brillant. Je trouve que ce n’est pas assez « grand public » pour prendre plaisir à cette lecture. C’est dommage, car je reste sur le sentiment d’être un peu passée à côté de cette critique piquante de la woke culture.

[Sélection Goncourt] Agnès Desarthe – L’éternel fiancé (Pascale)

Agnès Desarthe, L’éternel fiancé, 2021, 250 p.

Résumé :
Ce roman nous raconte les destins croisés de personnages qui se connaissent depuis l’enfance. La narratrice fait partie d’une famille de 3 enfants, elle a deux sœurs Lise et Dora. Elle croisera Etienne à 4 ans lors d’un concert de Noël. Après la déclaration d’amour touchante d’Etienne, il deviendra son éternel fiancé, elle le recroisera adolescente puis jeune adulte.

Mon avis :
Difficile de résumer ce roman très court, fait d’une succession de tableaux de personnages, très réalistes, très ancrés dans le quotidien et dans l’imaginaire en même temps. Le récit paraît toutefois un peu décousu, et on peine à voir où l’auteure veut nous emmener, mais on y va avec plaisir. Un style plein d’humour, d’élégance, de légèreté, et de profondeur aussi. On y trouve des sensations très réelles, très vraies, qu’on a déjà éprouvées. On mesure le temps qui passe, les personnages sont chacun à un âge différent de leur vie, c’est une riche galerie de personnages auxquels on peut facilement s’identifier

C’est le premier roman de cette auteure que je lis, c’est une agréable surprise pour moi.

[Sélection Goncourt] Louis-Philippe Dalembert – Milwaukee blues (Michèle)

Louis-Philippe Dalembert, Milwaukee blues, 2021, 288 p.

Résumé :
Tout le monde a entendu parler du meurtre de Georges Floyd, étouffé par le genou d’un policier, en mai 2020 à Minneapolis. L’auteur part de ce terrible fait divers pour faire parler plusieurs personnages qui ont connu la victime, et, en premier lieu, le gérant pakistanais qui a composé le 911 pour dénoncer un faux billet.

Mon avis :
J’ai adoré !!!!

Louis-Philippe Dalembert remplace Georges Floyd par Emmett, enfant du ghetto noir de Milwaukee, le quartier de Franklin Heights. Certains traits d’Emmett se rapprochent de ceux de Georges Floyd mais une grande partie de sa vie reste floue dans le roman.

Au fil des chapitre, le gérant de l’épicerie, le coach sportif d’Emmett, sa première fiancée, ses amis, etc…. vont raconter la partie de la vie d’Emmett durant laquelle ils se sont côtoyés. L’auteur change de style à chaque personnage, et chacun des récits est tellement réaliste que j’ai eu l’impression de connaître Emmett moi aussi.

C’est un roman choral émouvant, au rythme toujours soutenu, une rétrospective de ce qu’a pu être la vie de Georges Floyd, et la marche pacifiste qui a suivi son enterrement. Un récit qui n’explique pas sa mort mais qui, au contraire, la fait paraitre encore plus injuste, si c’est possible.

Les blessures de l’esclavage et de la ségrégation qui l’a suivi aux Etats-Unis ne semblent jamais refermées et le racisme continue encore et encore à alimenter des drames comme celui-ci.

[Sélection Goncourt] Clara Dupont-Monod – S’adapter (Dominique)

Clara Dupont-Monod, S’adapter, 2021, 171 p.

Résumé :
La naissance d’un enfant enfermé dans un corps inerte va bouleverser une famille de montagnard.

Le choc est violent pour les parents mais aussi pour le frère aîné et la sœur cadette qui sentent que leur vie d’avant est derrière eux. Ils vont devoir s’adapter.

L’enfant va marquer pendant ses 10 ans d’existence tous les membres de cette famille et même le dernier, qui arrivera après lui.

Commentaire :
C’est un texte très doux et feutré qui rend compte du changement de rythme lorsque paraît un enfant inadapté. En prenant comme narratrices les pierres du mur de la cour de la maison, l’auteur nous livre une histoire digne et sans excès. Tout y est dit, les traumatismes, les empêchements, les ressentis et les non-dits avec un calme de montagnard qui prend ce que la nature veut bien lui donner et ne s’insurge pas.

C’est un très beau conte.

[Sélection Goncourt] Sorj Chalandon – Enfant de salaud (Pascale)

Sorj Chalandon, Enfant de salaud, 2021, 333 pages

Résumé :
Sorj Chalandon était journaliste à Libération, il a suivi le procès de Klaus Barbie en 1987. Dans ce roman d’autofiction, il entremêle le récit du procès Barbie et l’histoire de son père, qui avait une vingtaine d’années en 1940 et qui a traversé la guerre en endossant l’uniforme des SS, puis s’est opportunément engagé dans la résistance.

Mon avis :
Chalandon fouille dans le passé de son père. Il réussit à obtenir le dossier judiciaire de son père, arrêté en 1944 et condamné à une peine légère pour un homme ayant collaboré avec les SS. Nous avons tous besoin d’avoir une image positive de nos parents, et nous comprenons le travail de recherche de Sorj Chalandon sur le passé trouble de son père. Nous comprenons aussi le désarroi du fils face à tous les mensonges du père.

Mais bon, j’ai envie de dire encore une autofiction. J’avais beaucoup aimé « Le jour d’avant », du même auteur, une vraie fiction. J’ai moins aimé ce « roman ».