Claire Deya – Un monde à refaire (Pascale)

Claire Deya, Un monde à refaire, 2024, 413 p

Résumé :

Avant la fin de la deuxième guerre mondiale, les allemands avaient miné les plages de Provence dans l’éventualité d’un débarquement. En 1945 les français durent s’organiser pour déminer les plages. Ce roman s’inscrit dans la période de travaux de déminage.

Vincent s’engage comme démineur, il est à la recherche d’Ariane, dont il était amoureux avant la guerre. Il rencontre Fabien, ancien résistant, qui dirige les travaux, et les prisonniers allemands contraints à déminer.

Il va s’approcher de ces prisonniers car il pense qu’ils peuvent avoir connu Ariane lors de l’occupation.

Avis :

Le roman fait de nombreux retours en arrière pour raconter différents épisodes de l’occupation. Il montre combien l’espoir de retrouver une personne aimée a aidé les soldats à tenir dans l’enfer qu’ils vivaient dans les camps de prisonniers en Allemagne, comme Vincent, ou dans la Résistance, comme Fabien. Un premier roman très documenté, dont le fil conducteur est la recherche de cette jeune femme. Une histoire très romanesque sur fond de guerre, cà peut paraitre classique, çà l’est, bien sûr. Mais comme Claire Deya est scénariste, elle donne à son roman un côté film de cinéma très convaincant.

J’ai beaucoup aimé.

[Prix Roblès 2024] Avril Bénard – A ceux qui ont tout perdu (Dominique)

Avril Bénard, A ceux qui ont tout perdu, 2024, 192 p

Résumé :

L’occident est en guerre et le front se rapproche d’une petite localité qui va être évacuée.

L’armée donne l’ordre de faire un sac et de partir : c’est la douche froide, l’incompréhension.

Comment est ce possible pour Manon et sa fille, Paul, Marek, Mme Dépalle et les autres.

Nous allons suivre ces personnages bousculés dans leur vie pendant l’heure qui précède leur départ.

Avis : Un très court roman mais très prenant et bien accrocheur. Le contexte est ici en pleine actualité et le descriptif de ce départ forcé fait résonance avec les récits de guerre et de déportations qui ont accompagnés mon enfance.

Je trouve, cependant, que le sujet aurait pu être traité plus profondément et j’apparente plus ce livre à une nouvelle qu’à un roman et c’est dommage car il y a évidemment matière à sensibiliser.

[Prix Roblès 2024] Simon Baril – Bleu guitare (Michèle)

Simon Baril, Bleu guitare, 2023, 149 p

Résumé : L’auteur nous fait lire le journal d’un jeune guitariste français vivant à Los Angeles. Il y a neuf ans, il a été victime d’une agression dans une ruelle et ses mains ont été mutilées. Depuis, il ne « vit » plus et se terre dans un studio, ne sortant que la nuit pour marcher au hasard des boulevards de Los Angeles.

Avis :

Premier roman assez court, sous forme de journal intime. J’ai bien apprécié le ton et le style de l’auteur, entre tragique et ironique. Nous sommes dans la tête du musicien puisque nous lisons son journal et le rendu est très intéressant. Un certain suspense nous tient en haleine puisque nous aimerions savoir ce qu’il va lui arriver après ces neuf années de solitude.

L’auteur analyse bien le désir de reconstruire une vie malgré la difficulté qui en résulte. Il lui est peut-être arrivé un accident comme à Sylvain Tesson avec son « sur les chemins noirs » !!!! Les tragédies de la vie semblent inspirer les auteurs.

En prime, nous découvrons un Los Angeles singulier, loin des paillettes et du cinéma.

La fin est un peu brusque mais encore une fois très ironique.

Encore un roman très sympathique.

[Prix Roblès 2024] Gabriel Henry – Blackout ( Pascale)

Gabriel Henry, Blackout, 2023, 204 p

Résumé :

Ulysse est un jeune homme brisé, physiquement, blessé à la tête et au bras. Mais aussi psychiquement, il est devenu amnésique suite à un accident. Il quitte la France pour la Mongolie avec Ariunaa, sa compagne, pour aller vivre dans un village reculé, chez les parents d’Ariunaa.

Chaque jour, dans les gestes du quotidien, il va chercher à retrouver son passé. Ariunna l’y aidera.

D’où viennent ses blessures ? Quel accident l’a conduit ici ?

Avis :

Le mystère plane et demeure jusqu’à la fin du roman, très bien construit. On suit le cheminement d’Ulysse, ses interrogations, ses contemplations de la nature très sauvage. Il observe la vie simple des villageois autour de lui, concentrée sur l’organisation matérielle : sortir les vaches de l’enclos, surveiller leurs déplacements, aller dans la ville voisine pour le marché…

Les descriptions de la nature sont somptueuses, l’écriture est très poétique, très attachante.

J’ai pensé à Continuer, de Laurent Mauvignier pour les grandes descriptions des steppes mongoles, et le côté « réparateur » de la nature pour les humains « cabossés » de la vie.

[Prix Roblès 2024] Cécile Tlili – Un simple dîner ( Michèle)

Cécile Tlili, Un simple dîner, 2023, 179 p

Résumé : Etienne, un jeune avocat très ambitieux invite un couple d’ami à diner chez lui. Il a une idée derrière la tête. Sa compagne, Claudia, s’échine à préparer un diner digne de ce nom. C’est une femme très timide et mal dans sa peau qui est terrorisée à l’idée de recevoir du monde chez elle. Johar et Rémi arrivent et le huis clos de la soirée peut s’installer.

Avis :

Roman assez court mais avec un ton très juste. Les tourments et les doutes de chacun sont exprimés avec clarté et sensibilité. Cela m’a fait penser au film « cuisine et dépendance » que j’avais beaucoup aimé, l’humour en moins.

L’écriture de l’auteur est simple et fluide et le ton restitue à la perfection les angoisses des uns, la nervosité des autres puis finalement les décisions qui en découlent.

Roman très sympathique.

[Prix Roblès 2024] Paul Saint Bris – L’allègement des vernis (Michèle)

Paul Saint Bris, L’allègement des vernis, 2023, 347 p

Résumé : Nous allons suivre Aurélien, directeur du département des peintures du Louvre qui doit prendre en main la rénovation du plus célèbre tableau du musée, la Joconde et, en parallèle, Homéro, agent d’entretien au musée, qui tombe amoureux de Mona Lisa.

Aurélien fait confiance à Gaetano, un restaurateur qu’il admire, pour ce travail sur La Joconde mais il n’est pas très rassuré.

Avis :

C’est un roman un peu technique car plein de références de peinture, notamment italienne, mais pas barbant pour autant. Au contraire, il nous fait découvrir la vie des personnes qui travaillent au Louvre, de la directrice en relation directe avec le ministre de la culture, aux agents de nettoyage et de sécurité.

Aurélien nous permet de réfléchir à la beauté en général, dans la peinture mais aussi dans la vie. Cette beauté peut-elle perdurer à notre époque qui met en avant le pratique, le pas cher et le jetable ? Et la Joconde, pourquoi le monde entier vient la voir et pourquoi sa restauration risque d’être un raz-de-marée médiatique planétaire ?

Gaetano, lui, nous fait connaitre le travail de ces restaurateurs de tableaux qui ont une responsabilité écrasante lorsqu’ils travaillent sur des tableaux célèbres.

Enfin, Homéro, personnage lunaire et poétique, nous montre que l’art et la beauté peuvent toucher tout un chacun, même néophyte. Il suffit de le ressentir …..

Roman original porté par une écriture fluide, gracieuse, et érudite sans jamais peser, avec ce qu’il faut de suspense pour donner envie de poursuivre la lecture et de références artistiques pour nous permettre d’enrichir notre culture. L’humour et la fantaisie satirique servent à merveille l’histoire. Entre la conservation et la restauration des œuvres d’art, en passant par les enjeux médiatiques et financiers d’un grand musée, c’est finalement à une réflexion sur les évolutions récentes de la société tout entière que nous convie l’auteur.

J’ai bien aimé.

[Prix Roblès 2024] Xavier Donzelli – Et par le pouvoir d’un mot (Pascale)

Xavier Donzelli, Et par le pouvoir d’un mot, 2023, 360 p

Résumé : Ce roman raconte la vie de Paul Eluard pendant les années 1941 – 1945. Il raconte comment son poème : Liberté, va devenir le symbole de la résistance. Nous suivons donc les destins croisés de Nusch, sa compagne, Max Pol Fouchet, Louis Parrot, Raymond Aron et d’autres personnages moins illustres, tous plus ou moins « résistants » à leur manière, en imprimant, diffusant des recueils de poèmes.

Avis :

La résistance par la poésie en quelque sorte. Moins flamboyant que les combats armés, peut être aussi dangereux (quoique).

Un roman très documenté, une narration dans l’ordre chronologique, très appliquée, très propre, très lisse, qui n’évite pas certains clichés. Une narration pas très romancée en fait, il manque des sentiments, des sensations, des descriptions des décors, des évènements saillants. Les passages les plus réussis sont le largage des recueils de poèmes sur la ville de Nantes par les aviateurs anglais.

Après avoir fini le roman, je n’ai pas bien compris si Eluard a été résistant, ou si c’est sa seule poésie qui était résistante.

Dimitri Rouchon-Borie -Le démon de la colline aux loups (Pascale)

Dimitri Rouchon-Borie, Le démon de la colline aux loups, 2021, 192 p

Résumé :

Duke est en prison, il va écrire les évènements tragiques de sa vie qui l’ont conduit là. Il est presque analphabète, ayant été peu scolarisé, et doit donc se débrouiller pour écrire comme il peut.

Enfant d’une fratrie de cinq, il vit au lieu-dit La colline aux loups, avec ses parents maltraitants. Il sera confié à une famille d’accueil mais sentira croître en lui la violence en devenant adolescent. Il s’enfuira et vivra dans un squat avec des jeunes marginaux. Il connaitra alors l’affection d’une jeune junkie Billy, mais aussi la violence des rapports avec les autres squatteurs.

Avis :

Ce court roman est tout à fait stupéfiant. Duke ne sait pas expliquer la violence dont il est capable. Il dit qu’il est possédé par le démon de la colline aux loups, ce qui est une manière imagée, mais très compréhensible de dire les choses.

L’écriture est percutante, sans ponctuation dans les dialogues, on dirait vraiment qu’un analphabète a écrit ce livre. Le récit est riche de toutes les sensations de ce pauvre gosse, qui se voit comme un damné, et comprend que rien ne pourra le sauver de la violence. Il y a en même temps infiniment d’humanité chez lui, et une vraie recherche de rédemption lorsqu’il est en prison.

J’ai pensé à Solak en lisant ce roman, (parce que c’est un Roblès aussi) , en raison de la sauvagerie de certaines scènes, et du style chaotique pourtant presque poétique de la narration à hauteur d’enfant puis d’adolescent. A lire ( si vous n’avez pas peur de la noirceur )

Hervé Le Corre – Qui après nous vivrez (Mathie)

Hervé Le Corre, Qui après nous vivrez, 2024, 394 p

Résumé :

Il s’agit dans ce roman dystopique d’évoquer toute l’angoisse et la sauvagerie d’un monde qui s’effondre. L’histoire commence un soir, au milieu du XXIe siècle, par une panne de courant généralisée. On comprend très vite qu’il va falloir pour nos héros se débrouiller, faire avec, écrire instinctivement l’entièreté de leurs destins respectifs. Leur monde connu s’effondre à une vitesse folle. À l’image des générations frappées par les guerres, les hommes et les femmes que nous suivons, en couple ou non, tentent tous non plus de vivre, mais de survivre dans ce monde finissant. Dans ces temps où l’homme devient de plus en plus la bête, comment rester digne, uni ?

Sur trois générations incarnées magnifiquement par des femmes (des filles puis des mères) l’auteur nous montre le chemin d’une humanité perdue qui semble s’extraire par instant, tellement belle pourtant, n’étant désormais qu’une réminiscence pour nos protagonistes. La vie ne s’arrête jamais, frôle pourtant les coups de couteaux meurtriers et les balles assassines, s’épuise dans des marches quotidiennes en quête de paix et de nourriture. Ces duos mères-filles traversent leurs existences sans aucun autre but que celui d’assouvir au jour le jour leurs besoins, parviennent pourtant, à maintenir avec justesse le cap de l’Amour. 

Avis : J’ai beaucoup aimé la manière dont l’auteur passe subtilement de l’insoutenable à des moments beaucoup plus héroïques et combatifs. J’ai apprécié la place importante faite à toutes ces femmes qui, finalement grâce à elles seules, engendreront le monde de demain. Tout le roman se pose la question d’arrêter ou non l’histoire de l’Homme. Et si l’on s’y refuse, alors comment la transmettre ? Quoi de plus important à donner en exemple avant sa fin brutale ? Pendant la lecture de ce roman, chaque chapitre me maintenait en alerte malgré le peu d’espoir qu’il transportait en lui. Je remercie l’auteur de dresser un portrait sincère et réaliste du monde qui nous semble de plus en plus proche. Pour l’anecdote, encore que, Le Corre a écrit ce roman noir peu après l’annonce de l’épidémie Covid-19, pendant le tout premier confinement.

Cécile Desprairies – La propagandiste ( Pascale)

Cécile Desprairies, La propagandiste, 2023, 224 p

Résumé :

Cécile Desprairies raconte l’histoire de sa mère Lucie, pendant la guerre, pendant la période de la collaboration.

Lucie s’est mariée avec un jeune allemand Friedrich, biologiste, disciple de Mengele. Elle va travailler pour le service de la propagande allemande avec zèle, elle est antisémite et elle est une nazie convaincue. Toute sa famille entre dans la collaboration, même son oncle homosexuel, vivant sous la protection d’un dignitaire nazi. Lucie le fera chanter pour mettre la main sur sa fortune.

Ainsi Lucie apparaît sans scrupules aucun, même vis-à-vis de sa propre famille.

Avis :

Le roman se lit comme une biographie romancée. Le récit n’est pas dépourvu d’humour, même si le sujet ne s’y prête pas beaucoup. Cécile Desprairies est historienne, spécialiste de la collaboration. On comprend qu’elle ait voulu enquêter sur sa propre famille, mais il est quand même étonnant qu’elle écrive et publie un roman sans concessions sur sa mère.

Ce roman est à rapprocher de Vous ne connaissez rien de moi de Julie Héraclès. Les deux décrivent ce qu’on appelle la banalité du Mal. Et les deux méritent d’être lus, car ils sont dérangeants parce que vrais.