Sylvain Pattieu – Forêt furieuse (Dominique)

Sylvain Pattieu, Forêt furieuse, 2019, 632 p.

Résumé :
Entre un village traditionnel et la grande forêt, il existe un orphelinat d’enfants esquintés par la guerre appelé « la colonie ».

L’auteur nous raconte l’histoire de ces enfants très tôt confrontés au malheur et à l’abandon à cause des guerres incessantes pour causes politiques ou religieuses. Ils se donnent des noms à rallonge : La-Petite-Elle-Veut-Tout-Faire-Toute-Seule, Tout-Le-Fait-Rire, Destiny-Bienaimée … et des noms percutant : Espoir, Brille, Mohamed-Ali, Trogne, Moufle …Dans cet orphelinat, les grands s’occupent des petits, les animateurs font ce qu’ils peuvent et la violence ressurgit à chaque instant, les amitiés se forgent et les groupes recréent les tensions de guerre perpétuelle de l’extérieur.

Le village est un modèle de village médiéval avec une population de religions différentes, les christians, les muslims et les supermuslims, avec les maisons des notables en son cœur entourant la place centrale du marché, les habitations de plus en plus modestes au fur et à mesure de l’éloignement du centre et de leur empilage sur les collines. Les riches « maîtres des forges » imposent leur loi mais permettent une vie commune à l’intérieur du village. Enfin, à l’extérieur, les travailleurs au service des maîtres de forges, les mineurs et les charbonniers confrontés aux Bergers, les rebelles qui vivent des produits de la forêt et de l’élevage de leurs moutons.

Une forêt profonde et impénétrable entoure le village, les champs, la colonie et les voies de communication ferroviaires et routières, bref la civilisation. Elle effraie les enfants et pourtant, c’est vers elle qu’ils vont se retourner lorsqu’ils prendront leur destin en main et se défendront quand les vrais supersmuslims voudront les intégrer à leurs troupes après la prise du village. La guerre va rattraper ces enfants mis à l’écart, la forêt va les abriter un temps et leurs fournir l’énergie qui leur permettra de lutter pour leur survie et de s’enfuir loin des bombes, des incendies et des adultes.

Commentaire :
C’est un roman fleuve moderne et impressionnant qui nous raconte la vie quotidienne des villages d’Afrique Sud Saharienne englués dans des guerres intestines, infestés de mercenaires sans foi ni loi, incapables de s’occuper de leurs enfants traumatisés et handicapés et enfin à la merci de la montée de l’intégrisme religieux. Par contre, le récit a été transposé dans un décor de vallée alpine avec son petit village, ses bergers, son isolement, et surtout sa forêt sauvage emplie de légendes.

Tout s’enchevêtre, l’histoire de Daech, les légendes de la forêt, la guerre entre tribus, les exactions des mercenaires, les revendications religieuses agressives, l’enfance maltraitée, abandonnée et estropiée mais prise en charge par quelques bonnes âmes débordées. Les adultes y sont décrits comme des victimes imbéciles recréant sans arrêt les conditions des nouvelles guerres et les enfants, qui ne veulent pas de cette vie, sont rattrapés, eux aussi, par leurs traumatismes physiques et moraux.

L’auteur fait défiler l’histoire de tout ce petit monde dans un style des plus modernes et avec le vocabulaire adéquat. Il faut suivre cette aventure pleine de violence réelle et de contes et légendes d’antan, pleine de sincérité et d’imaginaire et surtout pleine de sensibilité. C’est la « croisade des enfants » racontée au XXIème siècle et qui met en jeu des enfants de Seine Saint Denis…

Un excellent livre qui recrée un univers unique, hors du temps et de l’espace, mais bien réel.

2 commentaires sur “Sylvain Pattieu – Forêt furieuse (Dominique)

  1. Ce beau roman est très original dans son style et dans le vocabulaire employé.
    Mais nous comprenons immédiatement le sens de ces mots inventés et le récit n’en est que plus singulier.
    J’ai lu ce roman petit à petit, d’abord par qu’il y a des chapitres très courts et aussi parce que l’histoire de ses enfants estropiés et abandonnés est racontée de façon très cruelle parfois, alors, par petites doses, ça passe mieux!
    Pourtant, il y a aussi des passages très émouvants, notamment lorsque les enfants se souviennent d’avant la guerre et de la douceur de leurs parents. Et aussi lorsque l’auteur parle de l’un d’entre eux particulièrement. Dans ces moments toute l’enfance réapparaît avec son innocence intacte, malgré la violence environnante.
    Je comprends que ce roman ait été un coup de cœur pour Dominique car il ne laisse pas indifférent, il nous percute !

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